par leloublan » 04 Fév 2020 11:16
L'avenir de Roura (24 Heures)
De son propre aveu, Alan Roura est à l’aune de «la saison la plus importante de sa carrière». Avec deux transatlantiques en solitaire au programme – The Transat puis New York-Vendée – et le Vendée Globe en guise de point d’orgue début novembre, le navigateur genevois va en briquer, du pont. Histoire de faire le plein d’énergie positive, il est parti en lune de miel avec son épouse Aurélia début janvier. «Trois semaines loin du monde, oui, souffle le skipper de La Fabrique. On a loué un petit bateau et on a fait deux semaines de croisière dans les Antilles. Et puis encore une semaine à terre sur l’île de la Grenade. Ça fait du bien, c’était cool. J’ai passé six ans de ma vie dans ce coin, à bosser dans les ports et à naviguer avec mes parents. Ces années font parties de moi et je voulais faire découvrir cette région du globe que j’adore à Aurélia.»
Frais et dispos, tout beau tout bronzé, on retrouve donc Alan Roura prêt à en découdre. «Là , les vacances, c’est fini pour un bon bout de temps, confirme-t-il depuis Lorient, où le chantier d’hiver de son Imoca de 60 pieds bat son plein. J’ai profité de partir au début de l’année car c’était la seule occasion de couper. Maintenant, je dois faire attention à garder un maximum d’influx pour les courses, car je n’aurai pas le droit à l’erreur.» À l’entendre, ce n’est pas vraiment la surcharge de travail qui l’inquiète – le bougre en a vu d’autres – mais plutôt ses perspectives d’avenir.
La boule au ventre
D’ici plus ou moins à une année, Alan Roura bouclera son deuxième Vendée Globe. Ensuite? «Déjà , il faut que j’arrive au bout, je serais très content d'y parvenir, si l’océan veut bien me laisser faire le tour, précise-t-il par superstition. Ensuite, je ne vous cache pas que je ne sais pas de quoi mon avenir sera fait. Est-ce que mon aventure continuera? Je n’en sais rien. La boule au ventre est là , tous les jours: je sais qu’en franchissant la ligne d’arrivée du Vendée 2020, la boucle sera bouclée. J’espère qu’un nouveau chapitre s’ouvrira, mais rien n’est moins sûr. C’est le gros souci des marins, on vit au jour le jour.»
«Je sais qu’en franchissant la ligne d’arrivée du Vendée 2020, la boucle sera bouclée. J’espère qu’un nouveau chapitre s’ouvrira, mais rien n’est moins sûr»
Avec son sponsor La Fabrique, Alan Roura a signé pour un cycle de quatre ans à l’arrivée du dernier Vendée Globe, comme le veut l’usage dans le milieu de la voile hauturière. Non pas que les deux parties ne s’entendent plus, reste qu’elles semblent avoir tiré le maximum du bénéfice réciproque. «À terme, La Fabrique n’a pas les moyens de continuer avec des ambitions revues à la hausse, regrette le navigateur. J’aimerais mettre sur pied un projet qui permette de jouer la gagne, c’est-à -dire de construire un nouveau bateau ou d’en acheter un presque neuf. J’en ai un peu marre de modifier des vieux bateaux, il faut que je puisse changer de dimension. Et ça, ça coûte cher. Pas la construction d’un bateau en tant que telle, mais c’est surtout le budget de fonctionnement qui double, voire plus, pour mettre sur pied une grosse équipe.» Et de lâcher, un poil désabusé: «Je n’ai vraiment pas envie d’abandonner mon rêve et de commencer un boulot «normal». L’objectif, c’est de dénicher un nouveau sponsor, mais pour ça il faut que je cartonne cette année.»
Un choix de vie
N’allez pas pour autant imaginer qu’Alan Roura se laisse abattre par l’incertitude de sa condition. Plus qu’un sort inexorable, c’est un choix de vie pour un personnage résolument optimiste. «À l’arrivée du Vendée 2016, c’était déjà incroyable d’être là , j’avais réussi mon pari avec la vie, se souvient le détenteur du record de l’Atlantique Nord en solitaire. C’était encore plus incroyable qu’ensuite des gens croient en moi et que je puisse continuer l’aventure. Et maintenant, j’ai envie de plus, mais dans le bon sens du terme, d’aller plus loin, plus vite sur l’eau. J’ai presque l’impression de me retrouver dans la même situation qu’il y a quatre ans, avec cette crainte que ça ne continue pas et en même temps cette certitude que ça va le faire. Il ne reste plus qu’à tomber sur les bonnes personnes au bon moment.»
Fini le statut du gamin qui débarque et le capital sympathie y relatif. À 26ans, Alan Roura est certes en avance sur les temps de passages de ses contemporains, mais il sait que sa bonhomie naturelle ne suffira plus pour convaincre les investisseurs de son potentiel. Les résultats, il n’y a que ça de vrai, surtout après une Transat Jacques-Vabre décevante, bouclée à la 21e place de sa catégorie.
Déficit de vitesse
À bord d’une Fabrique new-look, à la déco au plus proche des biscuits de la boulangerie vaudoise, l’enfant du Léman sait exactement où il devra piocher pour franchir un palier en terme de performances. «On va beaucoup travailler sur le déficit de vitesse constaté à certaines allures, confie-t-il. Sur un tour du monde, les moyennes de vitesse sont plus importantes que les pointes, raison pour laquelle le bateau doit bien fonctionner dans toutes les conditions.» Au contraire du sprint infernal qui lui avait valu le record de l’Atlantique Nord en solitaire l’été dernier. Alan Roura sait qu’il doit encore progresser; mieux, il ne demande que ça.
04.02.2020